Club des motoneigistes Harfang des Neiges (693-11)

Motoneigistes dans les champs: respect SVP!

Motoneigistes dans les champs: respect SVP!

Jacinthe Lafrance
JACINTHE LAFRANCE
Le Nouvelliste
«À tous les motoneigistes qui sont aussi “crinqués” que moi…» C’est sur ces mots que commence l’avertissement vidéo lancé sur Facebook par Sébastien Angers, agriculteur de Sainte-Monique de Nicolet, tout juste après les premières neiges tombées sur le territoire.

Un avertissement qui se veut un appel au respect du travail et de la propriété des producteurs et productrices agricoles; une prise de conscience nécessaire, selon lui, de la part des personnes férues de sports motorisés qu’on pratique sur un beau tapis blanc.

«À ceux qui pensent que maintenant, là, que l’hiver et la neige sont arrivés, que le territoire du Québec leur appartient, j’aimerais que vous preniez conscience que des agriculteurs font pousser des plantes qui traversent l’hiver», poursuit-il avant de faire une démonstration avec sa propre motoneige des dommages causés par la pratique de la motoneige hors sentiers, sur les champs cultivés.

Sébastien Angers est agronome, producteur porcin en élevage biologique et il se passionne pour la culture de conservation qui lui permet d’exploiter 50 hectares de terres en production biologique, au Centre-du-Québec. En entrevue, il explique à quel point les pratiques agricoles ont changé ces dernières décennies. Se décrivant comme un producteur atypique, à la Ferme de l’Odyssée, il n’en demeure pas moins pour lui que l’habitude de labourer toutes les terres de façon systématique est en voie de disparition.

Cette pratique est peu à peu remplacée par des cultures d’automne et des cultures «de couverture» qui font que, même sous la neige, des plantes sont en train de vivre et même de croître tout en empêchant la prolifération de mauvaises herbes. Des plantes comme le seigle, la luzerne, le colza d’hiver ou les arbustes à petits fruits comme les bleuets, vivent bien à l’abri de leur couvert de neige, tout l’hiver, à moins que des motoneigistes épris de liberté s’aventurent hors sentiers en perturbant leur environnement.

Les pratiques agricoles ont évolué et, sans qu’on le soupçonne, plusieurs plantes passent l’hiver sous la neige pour favoriser des cultures plus respectueuses de l’environnement. 

Dans la vidéo publiée le 27 novembre dernier, Sébastien Angers démontre bien les bris de certaines plantations causés mécaniquement sous le passage de la chenille. «Quand vous circulez sur nos terres agricoles en motoneiges, j’aimerais que vous preniez conscience, s’il vous plaît, qu’il peut y avoir ce type de plante et que ça peut venir endommager notre culture. À cet endroit-là, je ne suis pas sûr qu’il y a un gros revenu l’année prochaine», dit-il après avoir parcouru quelques mètres en bordure du champ avec son engin.

Mais il y a plus: même sous une bonne bordée de neige bien floconneuse, les champs cultivés bénéficient de ses propriétés isolantes et d’un échange d’air permettant la respiration des plantes. «Quand les motoneiges passent à plusieurs reprises dans un champ, la neige se compacte, ce qui peut aussi créer une couche de glace en surface. Tout cela peut faire mourir les plantes», explique l’agronome.

Qui plus est, la neige ainsi compactée mettra plus de temps à fondre, ce qui pourrait retarder le travail de la terre de 2 à 4 semaines en début de saison. On peut aussi y voir apparaître une plus grande quantité de mauvaises herbes au printemps: «La nature a horreur du vide», observe Sébastien Angers.

Un appel au respect… respectueux!

En lançant son cri du cœur sur les médias sociaux, Sébastien Angers voulait garder un ton posé en usant d’une approche pédagogique pour favoriser la prise de conscience. «Parfois, on voit des vidéos comme ça, du monde fâché avec un langage agressif. J’ai voulu faire ça en gardant un ton de voix agréable et un propos respectueux. Je veux que les motoneigistes sachent que je les comprends, j’aime ça, moi aussi la motoneige», affirme l’agriculteur.

Selon lui, pour réussir la sensibilisation des gens visés, l’empathie s’avère le levier le plus puissant. Il offre même des solutions de rechange à celles et ceux qui veulent éprouver le sentiment de liberté que procurent les sentiers non balisés, soit rechercher des endroits désignés pour cela dans le nord du Québec ou de circuler en bordure de rivière, là où il n’y a pas de terres cultivées.

Des pertes chiffrées

Questionné à savoir s’il est possible d’estimer les pertes occasionnées par la pratique anarchique de la motoneige dans les champs, Sébastien Angers s’est livré à un calcul rapide: un hectare cultivé génère des revenus bruts de 1000 $, estime-t-il. Sur une telle surface de 10 000 mètres carrés, une «trail» de trois mètres de large sur un kilomètre représente 30 % du territoire exploité. En gros, des pertes potentielles d’au moins 300 $. «C’est grâce à ces plantes qu’on peut avoir des revenus et payer nos taxes sur ces terres agricoles», précise Sébastien Angers dans sa vidéo. Des plantes qui servent aussi à nous nourrir, ce qui n’est pas négligeable.

Rappelons que le 7 décembre, la MRC Maria-Chapdelaine lançait, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, une campagne de sensibilisation sur le même thème, intitulée: «Respect pour une cohabitation durable». Cette campagne a été réalisée en collaboration avec la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec. Pour sa part, Sébastien Angers a pris cette initiative de sensibilisation de son propre chef, en accord avec sa «propre conscience personnelle», car il connaît la valeur agronomique de ces pertes sur les terres, conclut-il.